Bonjour.
Voici un texte qui porte une réflexion essentielle à ma nouvelle condition de professeur dans le secondaire, et qui cherche des pistes de réponses à ma plus grande difficulté en ce début de carrière: l'autorité.
Depuis
deux mois, je suis enseignant de mathématiques en lycée, en tant
que fonctionnaire stagiaire. Je dois dire que cette expérience
particulière est très intense, et soulève en moi de nombreuses
questions. Une en particulier me semble intéressante à développer.
En effet, l’aspect le plus difficile de ce travail est pour moi la
gestion de classe. Ainsi, cette difficulté auquel je fais fasse me
fait me questionner sur l’autorité, à travers en particulier le
prisme de mes convictions et théories philosophiques.
La
liberté a toujours été une chose très importante pour moi. Elle a
été fondamentale dans le début de mes écrits philosophiques. J’ai
beaucoup écrit sur elle, car elle était pour moi le but de la vie
et de l’existence (ou du moins le moyen d’atteindre un tel but,
qui est plutôt le plaisir et le bonheur). Au fur et à mesure, je me
suis intéressé à d’autres questions, en particulier à la Nature
et à l’Univers, afin de comprendre la réalité et atteindre la
vérité. J’ai donc mis de côté la question de la liberté et du
but de l’existence. Ainsi, ces notions me semblent datées, et si
je ne renie pas mes anciennes convictions, je pense qu’elles
méritent d’être grandement actualisées et nuancées (en
particulier, le but de l’existence semblerait plutôt être
l’existence même, comme je l’énonce dans ma théorie de
l’Univers et de la Nature ; le plaisir et le bonheur étant
donc plutôt le but de l’existence humaine, comme des conditions à
l’épanouissement). Je vais faire un premier pas en ce sens dans ce
texte.
Pour
moi, le bonheur et le plaisir s’atteignent grâce à une liberté
la plus large possible. Ainsi, l’autorité est pour moi une
contrainte à la liberté, et donc une entrave au bonheur. J’ai
donc beaucoup de mal philosophiquement à devoir faire preuve
d’autorité auprès de mes élèves. Je vis une réelle dissonance
entre mes convictions philosophiques et la réalité terre à terre
du métier que j’exerce. Je vis un réel paradoxe qui me prend aux
tripes, et qui me fait me remettre en question.
Ce
n’est pas la première fois cependant que je vis ce paradoxe. En
particulier, je me rappelle de la plus intense expérience que j’ai eu avec celui-ci. Je le ressentais énormément lorsque je promenais la
chienne à ma voisine. J’étais alors adolescent, et je devais
sortir cette jeune husky pleine d’énergie. J’avais le plus de
mal au monde à me faire obéir par elle, ce qui m’obligea à ne
jamais la détacher de sa laisse… C’était pour moi un
déchirement émotionnel, car au plus profond de moi, la liberté des
êtres a toujours été une de mes convictions. J’entrais donc en
conflit avec mes croyances. Je devais dompter cet être innocent qui
avait juste soif de liberté, juste envie de courir et d’explorer…
Ce fût une grande difficulté pour moi de devoir agir comme je le
devais, en tant qu’humain, et donc de respecter mon rôle :
restreindre les libertés de cet être.
Retrouvant
une situation similaire, une posture d’autorité m’obligeant à
restreindre les libertés d’autres êtres, je me dois de lever ce
paradoxe par écrit, afin de m’épanouir dans mon métier,
bannissant à jamais cette dissonance de mon esprit.
Je
vais pour cela formaliser certains raisonnements que j’avais eu à
l’époque, et qui sont aujourd’hui complétés par mes précédents
écrits. L’idée majeure qui permet de lever ce paradoxe est
l’existence des différents niveaux de philosophie, d’appréhension
de la réalité. On peut vivre avec des convictions philosophiques
contradictoires si ces convictions existent dans des niveaux de
vérité différents. Ici, ma conviction profonde est la liberté.
C’est un idéal utopique qui est pour moi la réalité et la vérité
de notre univers, de l’existence. Cependant, à un niveau de pensée
bien plus bas, bien plus pragmatique, bien plus proche de l’existence
quotidienne au sein de l’humanité, l’autorité est nécessaire
pour survivre. Vivre en société implique de nombreuses restrictions
de liberté, qu’elles soient fondées ou non. Ainsi, pour vivre
dans notre monde, dans notre société humaine, les élèves doivent
se restreindre aux règles de l’École, pour apprendre, se
développer, et s’épanouir. Les animaux doivent écouter leur
maître (en espérant sa bienveillance) pour survivre. C’est une
triste réalité, mais dans la sous-réalité de notre planète régie
par l’humanité, la liberté n’est pas une valeur fondamentale de
l’existence, et doit être restreinte au nom de la survie, de
l’existence même.
C’est
d’ailleurs ce que j’expérimente au quotidien. Mes libertés sont
grandement restreintes par la société humaine. Je pourrais me
battre pour essayer de les étendre, mais je me trouve au contraire
bien plus libre en suivant les règles de la société, me permettant
de m’épanouir au sein d’elle, développant mon esprit sans
contrainte. Plus je respecte les règles, plus je suis discret, et
donc plus je suis libre… Je donne l’impression d’être dans le
moule, afin d’être tranquille d’y développer mes différences.
J’espère
que cette réflexion, ou du moins la captation de ces idées que j’ai
depuis longtemps, me permettra de mieux supporter la position
d’autorité qui m’est due par mon métier. Je ne renie pas mes
convictions, je reste convaincu que la liberté est nécessaire au
bonheur. Mais dans notre société, l’épanouissement passe par la
restriction de libertés, par une uniformisation nécessaire. Il faut
suivre les règles pour pouvoir les tordre et aller au delà, il ne
faut pas les briser.
Dans
tous les cas, je ne peux vivre selon mes convictions philosophiques
profondes. Si j’appréhende le monde avec un niveau de pensée
commun et pragmatique du quotidien, ma position d’autorité fait
parfaitement sens, et est nécessaire. J’espère que cette idée
est suffisante pour dissiper la dissonance que j’ai ressenti. Je
suis devenu une figure d’autorité, et je dois pleinement accepter
ce rôle pour le mener à bien, aussi difficile cela soit-il.
Avec deux mois de recul supplémentaires, je dois avouer que cette dissonance me fait toujours souffrir. Je travaille à l’atténuer, à pleinement embrasser mon rôle d'autorité. Si je m'améliore du point de vue des exigences institutionnelles, le combat n'est pas encore gagné, ne serait-ce qu'intimement. Je pense désormais que cette dissonance ne pourrait jamais disparaître... J'espère seulement qu'elle ne m’empêchera pas de réussir et de prendre pleinement mon rôle dans la société. Je vais devoir me battre, progresser, afin de pouvoir supporter et mener à bout la tâche humaine qui m'est assigné.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire