Bonjour.
Voici cette semaine une introspection essentielle puisqu'elle s'interroge sur ma vision artistique des choses... La scène étant pour moi l'aspect le plus important de ma vie, la réflexion menée dans ce texte fut essentielle, afin de ne pas perdre certains aspects de ma raison de vivre!
La
scène a toujours été extrêmement importante pour moi. Comme je
l’ai très souvent écrit (modulo un vocabulaire plus exacte afin
de ne pas entrer en contradiction avec ma théorie de l’Univers et
de la Nature, que je n’emploie pas ici), il s’agit de ma place
dans l’Univers et de mon rôle dans la Nature. Je suis né artiste,
et jouer sur scène est donc ma raison ultime de vivre.
Cette
vérité, si je l’ai toujours vécue, m’a été intimement
confirmée lors du fameux concert de 2012 des Animalsss, qui est la
singularité de ma vie artistique et philosophique, comme je l’ai
déjà écrit. Ainsi, depuis ce jour, cette vérité a pris une place
de premier plan dans ma vie et dans mes objectifs de vie. C’est
devenu ma raison de vivre, et mon but ultime. Le plaisir que je
ressens sur scène est le plus intense que je puisse ressentir, je
suis fais pour ça. Tel est mon rôle, tel est la finalité de ma
vie.
Ainsi,
la scène est devenue pour moi le moyen de m’épanouir, d’être
heureux, de ressentir le plus intense plaisir que je puisse
ressentir. Cette idée a occulté toutes les autres conceptions que
j’avais de la scène, et est devenue prédominante. Cependant, un
concert récent a remis en perspective cette idée.
Il
s’agit du concert que j’ai donné avec mon groupe actuel, les
Därk Vipers, le 13/10/2018. Lors de ce concert, je n’ai pris aucun
plaisir. En effet, trop préoccupé par mes responsabilités
nouvelles (dues au nouveau métier que j’exerce, professeur), je
n’ai pas réussi à me lâcher, à entrer dans la peau de mon
alter-ego artistique, Eddie Snake. Comme si l’artiste que je suis
était inexistant, ne subsistant que l’être humain qui lui sert
d’hôte. D’autres éléments viennent ajouter des causes à cet
état, comme du matériel de mauvaise qualité, et un contexte de
compétition. Mais la conséquence est là : je n’ai ressenti
aucun plaisir sur scène (si ce n’est ponctuellement), restant
enfermé dans ma personnalité sociale et professionnelle. Cela a
entraîné un cercle vicieux puisque je m’en suis voulu, déçu de
ne pas avoir réussi à être qui je suis réellement, Eddie Snake,
comme si mon investissement social et professionnel l’avait fait
disparaître. Heureusement, des événements postérieurs (comme une
répétition intense avec mon groupe, qui m’a redonné un plaisir
artistique fort, ou encore une créativité jaillissante) m’ont
rassuré, me montrant qu’Eddie Snake est toujours là et que malgré
les concessions que je suis obligé de faire, malgré mon très
profond investissement professionnel, il ne mourra jamais. Mais je
m’éloigne du sujet.
Ce
live a donc remis en cause le but ultime de la scène pour moi :
la prise de plaisir. Il faut dire que depuis le fameux concert des
Animalsss, si je ressens toujours du plaisir sur scène et que je ne
remets pas en cause ma raison de vivre, le plaisir que je ressens me
paraît bien moins intense. Peut-être est-ce parque mon esprit
analyse trop les choses, les pense au lieu de les ressentir.
Peut-être également est-ce le principe très connu de l’addiction:
le premier shoot est le plus intense, et les suivant auront une
intensité toujours décroissante, amenant à une insatiable envie de
toujours plus. Mais je n’ai pas envie de croire en cette dernière
hypothèse, déjà par son cynisme, et ensuite car je me souviens
avoir ressenti un plaisir précurseur moindre avant le concert des
Animalsss. Je ne peux réfuter cette hypothèse, qui me semble la
meilleure, mais je préfère continuer à en chercher d’autres qui
pourraient l’invalider. Comme par exemple les conditions plus ou
moins confortable du live, la cohésion de groupe, mon état
psychologique et émotionnel du moment, etc.
Cependant,
ce concert des Därk Vipers a fait plus que bousculer l’idée que
la seule finalité de la scène est pour moi la prise de plaisir. En
effet, la quasi-totalité des retours que j’ai du public sont bons.
Si j’ai l’impression d’avoir donné une prestation minable, les
spectateurs eux ont passé un excellent moment, se sont amusés et
divertis, et ont trouvé le concert très bon. J’ai alors été
frappé d’une révélation : le vrai rôle de l’artiste, le
vrai rôle d’un groupe de musique, est de divertir le public, de
lui faire passer un bon moment, de lui faire plaisir. C’est une
vérité absolue que j’avais perdu de vu. Enfant, c’était ma
définition de la scène. Pour moi, un concert était avant tout un
échange. L’artiste se donnait au public, qui lui rendait cet amour
en l’acclamant. C’était ma conception de l’artiste tel que je
l’étais, ou du moins que je voulais le devenir. Le secret de la
scène était l’échange, un échange d’amour, de respect,
d’admiration, d’énergie… Le public admire l’artiste autant
que celui-ci l’admire. L’un n’est rien sans l’autre… Cette
idée fondamentale, qui était ma conception profonde de l’artiste
lorsque j’étais plus jeune, a été reléguée au second plan
lorsque je me suis focalisé sur mon plaisir propre, après ce fameux
concert de Animalsss… Obnubilé par des considérations égoïstes,
par un épanouissement personnel, j’ai oublié le sens profond de
la scène, et de la finalité du but de l’artiste. Le plaisir de la
scène vient dans l’échange.
Ainsi,
je ne renonce pas à ma quête du plaisir scénique, qui reste pour
moi mon ultime raison de vivre. Mais je l’adapte à la vérité
retrouvée de l’échange. Désormais, ce plaisir personnel que je
recherche n’est plus le but ultime de la scène. Désormais,
l’ultime but d’un concert est pour moi le plaisir du public, et
l’échange, la communion avec lui. Et c’est uniquement comme ça
que je pourrais ressentir ce qui me fais vivre : en m’ouvrant
au public, en lui donnant tout, et non en l’occultant pour ne me
focaliser que sur moi.
C’est
une évidence qui est étayée par d’autres éléments : des
moments de profond plaisir artistique viennent de la cohésion de
groupe… C’est d’ailleurs lors de ces moments que j’ai
énormément de plaisir, lorsque mes compagnons de scène et moi nous
comprenons et jouons sans se parler, comme si on était reliés par
un lien mystique… C’est quelque chose d’intime difficilement
descriptible, mais qui est d’une intensité incroyable. Et c’est
ce genre de lien que je dois retrouver avec le public…
Bien
sûr, cette démarche vise à rétablir mon plaisir scénique, mon
ultime raison de vivre. Mais plus encore, cette démarche rétabli
mon intégrité artistique, me remettant dans le droit chemin :
désormais, je suis au second plan, et mon but ultime en concert sera
de satisfaire le public. Tel est le rôle final de l’artiste, rôle
que j’avais perdu de vue, mais auquel j’ai toujours cru.
Ce
rôle semble en contradiction avec certaines idées que j’ai
approfondi quant à la condition d’artiste qui est la mienne. En
effet, j’ai construit une conception de l’artiste hors de
l’humanité, trop différent d’elle pour en être épanoui. Je
crois toujours en cela. Cependant, je pense que le texte que je viens
d’écrire précise au contraire cette conception de l’artiste
torturé. Un artiste reste un être exceptionnel, une anomalie dans
l’humanité par sa vision des choses différentes. Les humains ne
pourront jamais comprendre les artistes. Mais ils peuvent les
admirer. Plus encore, l’artiste, s’il ne peut être compris, peut
au moins partager son art. Ainsi, il créé un lien avec l’humanité,
qui lui permet de s’épanouir malgré sa différence. Il ne partage
pas d’autres liens sociaux classiques, mais peut profiter d’autres
liens.
Cette
précision de l’artiste tel que je pense être est un
bouleversement incroyable. J’ai renoncé aux humains, et au
bonheur, me croyant condamné à vie à l’isolement… Mais je
viens de retrouver un salut possible ! La scène est le vecteur
de partage qui en plus de me donner mon rôle dans l’existence, me
donne un rôle épanouissant dans l’humanité !
C’est
une vraie révélation que je vis en écrivant ces lignes. J’ai
l’impression que ma conception du monde change, gagnant un
optimisme que je n’avais pas ressenti depuis longtemps !
J’avais écris vouloir me battre contre mon renoncement au bonheur…
Je pense enfin avoir réellement gagné cette bataille ! Au plus
profond de moi, ma vision des choses a changé… J’ai retrouvé un
sens profond à ma vie, que j’avais plus jeune, mais que j’avais
oublié…
J’espère
que le prochain concert avec mon groupe confirmera toute cette
réflexion !
Mise
à jour : ce fameux prochain concert a plus que confirmé
cette réflexion. En effet, j’ai réussi à me lâcher, à être
Eddie Snake, et j’ai pris énormément de plaisir… Ce concert a
également fait émerger une idée chez moi : le plaisir sur
scène est lié à l’ensemble de communion qui a lieu. Le premier
ensemble est bien sûr la cohésion entre le musicien et
l’instrument, la batterie pour moi, qui est essentiel et que je
n’avais pas lors du fameux concert évoqué dans ce texte (jouant
sur une batterie qui n’est pas la mienne), d’où mon manque de
plaisir probablement. Le deuxième ensemble, plus grand, est la
cohésion du groupe, lorsque les membres jouent et se comprennent,
font corps, sans se parler… Enfin, le troisième ensemble, plus
grand, est la cohésion avec le public. Si les autres ensembles sont
essentiels et sont vecteurs de plaisir, ce dernier permet d’atteindre
un plaisir transcendantal. Et j’ai eu la chance de ressentir ce
lien lors du concert des Därk Vipers du 10/11/2018, avec un public
investi et participatif… J’ai donc retrouvé un plaisir sincère
et fort, et j’ai pu être moi-même, Eddie Snake, ce qui a été
aidé je pense par la réflexion menée en amont dans ce texte.
Ce texte me semble suffisamment précis pour ne pas avoir à le développer. Je rajouterais cependant quelques éléments. Le premier est le fait que plusieurs concerts ayant suivis son écriture ont confirmé ses hypothèses. Le deuxième est le fait que cependant, pris dans une vie compliquée, la révélation que je décris est atténuée, mes conceptions plus négatives refaisant surface aisément. Bien sûr, je travaille à rétablir la conception évoquée dans ce texte afin qu'elle devienne centrale. Mais pris dans de mauvaises habitudes, il est facile d'oublié cette conception rétablie, cette révélation, retournant à une vision ancienne plus négative du monde et des choses, catalysée par une vie humaine anxiogène. Enfin, le dernier élément de précision est une rapide analyse de ma déconnexion avec le public. Une conception que je n'avais pas enfant explique cela: ma haine des humains. En effet, une rupture avec ma pensée d'enfant est la prise de conscience que je n'étais pas humain, allant de pair avec mon dégoût pour cette espèce. Si je me sentais différent, il me semble que j'étais plus optimiste, pensant alors être intégré à cette espèce que je ne concevait probablement pas aussi mauvaise (j'avoue avoir du mal à m'en souvenir : aussi loin que je me souvienne, l'humain n'est pas uniformément positif - projette-je des conceptions actuelles ou avais-je déjà conscience de la complexité des humains qui implique que certains fassent le mal ?). Il est donc normal qu'en me déconnectant de l'espèce humaine, je me sois déconnecté du public dans ma conception de la scène... D'où la difficulté actuelle de me reconnecter avec lui, alors que c'est essentiel.
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