mercredi 27 février 2019

Finalité artistique

Bonjour.

Voici cette semaine une introspection essentielle puisqu'elle s'interroge sur ma vision artistique des choses... La scène étant pour moi l'aspect le plus important de ma vie, la réflexion menée dans ce texte fut essentielle, afin de ne pas perdre certains aspects de ma raison de vivre!

La scène a toujours été extrêmement importante pour moi. Comme je l’ai très souvent écrit (modulo un vocabulaire plus exacte afin de ne pas entrer en contradiction avec ma théorie de l’Univers et de la Nature, que je n’emploie pas ici), il s’agit de ma place dans l’Univers et de mon rôle dans la Nature. Je suis né artiste, et jouer sur scène est donc ma raison ultime de vivre.
Cette vérité, si je l’ai toujours vécue, m’a été intimement confirmée lors du fameux concert de 2012 des Animalsss, qui est la singularité de ma vie artistique et philosophique, comme je l’ai déjà écrit. Ainsi, depuis ce jour, cette vérité a pris une place de premier plan dans ma vie et dans mes objectifs de vie. C’est devenu ma raison de vivre, et mon but ultime. Le plaisir que je ressens sur scène est le plus intense que je puisse ressentir, je suis fais pour ça. Tel est mon rôle, tel est la finalité de ma vie.
Ainsi, la scène est devenue pour moi le moyen de m’épanouir, d’être heureux, de ressentir le plus intense plaisir que je puisse ressentir. Cette idée a occulté toutes les autres conceptions que j’avais de la scène, et est devenue prédominante. Cependant, un concert récent a remis en perspective cette idée.
Il s’agit du concert que j’ai donné avec mon groupe actuel, les Därk Vipers, le 13/10/2018. Lors de ce concert, je n’ai pris aucun plaisir. En effet, trop préoccupé par mes responsabilités nouvelles (dues au nouveau métier que j’exerce, professeur), je n’ai pas réussi à me lâcher, à entrer dans la peau de mon alter-ego artistique, Eddie Snake. Comme si l’artiste que je suis était inexistant, ne subsistant que l’être humain qui lui sert d’hôte. D’autres éléments viennent ajouter des causes à cet état, comme du matériel de mauvaise qualité, et un contexte de compétition. Mais la conséquence est là : je n’ai ressenti aucun plaisir sur scène (si ce n’est ponctuellement), restant enfermé dans ma personnalité sociale et professionnelle. Cela a entraîné un cercle vicieux puisque je m’en suis voulu, déçu de ne pas avoir réussi à être qui je suis réellement, Eddie Snake, comme si mon investissement social et professionnel l’avait fait disparaître. Heureusement, des événements postérieurs (comme une répétition intense avec mon groupe, qui m’a redonné un plaisir artistique fort, ou encore une créativité jaillissante) m’ont rassuré, me montrant qu’Eddie Snake est toujours là et que malgré les concessions que je suis obligé de faire, malgré mon très profond investissement professionnel, il ne mourra jamais. Mais je m’éloigne du sujet.
Ce live a donc remis en cause le but ultime de la scène pour moi : la prise de plaisir. Il faut dire que depuis le fameux concert des Animalsss, si je ressens toujours du plaisir sur scène et que je ne remets pas en cause ma raison de vivre, le plaisir que je ressens me paraît bien moins intense. Peut-être est-ce parque mon esprit analyse trop les choses, les pense au lieu de les ressentir. Peut-être également est-ce le principe très connu de l’addiction: le premier shoot est le plus intense, et les suivant auront une intensité toujours décroissante, amenant à une insatiable envie de toujours plus. Mais je n’ai pas envie de croire en cette dernière hypothèse, déjà par son cynisme, et ensuite car je me souviens avoir ressenti un plaisir précurseur moindre avant le concert des Animalsss. Je ne peux réfuter cette hypothèse, qui me semble la meilleure, mais je préfère continuer à en chercher d’autres qui pourraient l’invalider. Comme par exemple les conditions plus ou moins confortable du live, la cohésion de groupe, mon état psychologique et émotionnel du moment, etc.
Cependant, ce concert des Därk Vipers a fait plus que bousculer l’idée que la seule finalité de la scène est pour moi la prise de plaisir. En effet, la quasi-totalité des retours que j’ai du public sont bons. Si j’ai l’impression d’avoir donné une prestation minable, les spectateurs eux ont passé un excellent moment, se sont amusés et divertis, et ont trouvé le concert très bon. J’ai alors été frappé d’une révélation : le vrai rôle de l’artiste, le vrai rôle d’un groupe de musique, est de divertir le public, de lui faire passer un bon moment, de lui faire plaisir. C’est une vérité absolue que j’avais perdu de vu. Enfant, c’était ma définition de la scène. Pour moi, un concert était avant tout un échange. L’artiste se donnait au public, qui lui rendait cet amour en l’acclamant. C’était ma conception de l’artiste tel que je l’étais, ou du moins que je voulais le devenir. Le secret de la scène était l’échange, un échange d’amour, de respect, d’admiration, d’énergie… Le public admire l’artiste autant que celui-ci l’admire. L’un n’est rien sans l’autre… Cette idée fondamentale, qui était ma conception profonde de l’artiste lorsque j’étais plus jeune, a été reléguée au second plan lorsque je me suis focalisé sur mon plaisir propre, après ce fameux concert de Animalsss… Obnubilé par des considérations égoïstes, par un épanouissement personnel, j’ai oublié le sens profond de la scène, et de la finalité du but de l’artiste. Le plaisir de la scène vient dans l’échange.
Ainsi, je ne renonce pas à ma quête du plaisir scénique, qui reste pour moi mon ultime raison de vivre. Mais je l’adapte à la vérité retrouvée de l’échange. Désormais, ce plaisir personnel que je recherche n’est plus le but ultime de la scène. Désormais, l’ultime but d’un concert est pour moi le plaisir du public, et l’échange, la communion avec lui. Et c’est uniquement comme ça que je pourrais ressentir ce qui me fais vivre : en m’ouvrant au public, en lui donnant tout, et non en l’occultant pour ne me focaliser que sur moi.
C’est une évidence qui est étayée par d’autres éléments : des moments de profond plaisir artistique viennent de la cohésion de groupe… C’est d’ailleurs lors de ces moments que j’ai énormément de plaisir, lorsque mes compagnons de scène et moi nous comprenons et jouons sans se parler, comme si on était reliés par un lien mystique… C’est quelque chose d’intime difficilement descriptible, mais qui est d’une intensité incroyable. Et c’est ce genre de lien que je dois retrouver avec le public…
Bien sûr, cette démarche vise à rétablir mon plaisir scénique, mon ultime raison de vivre. Mais plus encore, cette démarche rétabli mon intégrité artistique, me remettant dans le droit chemin : désormais, je suis au second plan, et mon but ultime en concert sera de satisfaire le public. Tel est le rôle final de l’artiste, rôle que j’avais perdu de vue, mais auquel j’ai toujours cru.
Ce rôle semble en contradiction avec certaines idées que j’ai approfondi quant à la condition d’artiste qui est la mienne. En effet, j’ai construit une conception de l’artiste hors de l’humanité, trop différent d’elle pour en être épanoui. Je crois toujours en cela. Cependant, je pense que le texte que je viens d’écrire précise au contraire cette conception de l’artiste torturé. Un artiste reste un être exceptionnel, une anomalie dans l’humanité par sa vision des choses différentes. Les humains ne pourront jamais comprendre les artistes. Mais ils peuvent les admirer. Plus encore, l’artiste, s’il ne peut être compris, peut au moins partager son art. Ainsi, il créé un lien avec l’humanité, qui lui permet de s’épanouir malgré sa différence. Il ne partage pas d’autres liens sociaux classiques, mais peut profiter d’autres liens.
Cette précision de l’artiste tel que je pense être est un bouleversement incroyable. J’ai renoncé aux humains, et au bonheur, me croyant condamné à vie à l’isolement… Mais je viens de retrouver un salut possible ! La scène est le vecteur de partage qui en plus de me donner mon rôle dans l’existence, me donne un rôle épanouissant dans l’humanité !
C’est une vraie révélation que je vis en écrivant ces lignes. J’ai l’impression que ma conception du monde change, gagnant un optimisme que je n’avais pas ressenti depuis longtemps ! J’avais écris vouloir me battre contre mon renoncement au bonheur… Je pense enfin avoir réellement gagné cette bataille ! Au plus profond de moi, ma vision des choses a changé… J’ai retrouvé un sens profond à ma vie, que j’avais plus jeune, mais que j’avais oublié…
J’espère que le prochain concert avec mon groupe confirmera toute cette réflexion !

Mise à jour : ce fameux prochain concert a plus que confirmé cette réflexion. En effet, j’ai réussi à me lâcher, à être Eddie Snake, et j’ai pris énormément de plaisir… Ce concert a également fait émerger une idée chez moi : le plaisir sur scène est lié à l’ensemble de communion qui a lieu. Le premier ensemble est bien sûr la cohésion entre le musicien et l’instrument, la batterie pour moi, qui est essentiel et que je n’avais pas lors du fameux concert évoqué dans ce texte (jouant sur une batterie qui n’est pas la mienne), d’où mon manque de plaisir probablement. Le deuxième ensemble, plus grand, est la cohésion du groupe, lorsque les membres jouent et se comprennent, font corps, sans se parler… Enfin, le troisième ensemble, plus grand, est la cohésion avec le public. Si les autres ensembles sont essentiels et sont vecteurs de plaisir, ce dernier permet d’atteindre un plaisir transcendantal. Et j’ai eu la chance de ressentir ce lien lors du concert des Därk Vipers du 10/11/2018, avec un public investi et participatif… J’ai donc retrouvé un plaisir sincère et fort, et j’ai pu être moi-même, Eddie Snake, ce qui a été aidé je pense par la réflexion menée en amont dans ce texte.
Ce texte me semble suffisamment précis pour ne pas avoir à le développer. Je rajouterais cependant quelques éléments. Le premier est le fait que plusieurs concerts ayant suivis son écriture ont confirmé ses hypothèses. Le deuxième est le fait que cependant, pris dans une vie compliquée, la révélation que je décris est atténuée, mes conceptions plus négatives refaisant surface aisément. Bien sûr, je travaille à rétablir la conception évoquée dans ce texte afin qu'elle devienne centrale. Mais pris dans de mauvaises habitudes, il est facile d'oublié cette conception rétablie, cette révélation, retournant à une vision ancienne plus négative du monde et des choses, catalysée par une vie humaine anxiogène. Enfin, le dernier élément de précision est une rapide analyse de ma déconnexion avec le public. Une conception que je n'avais pas enfant explique cela: ma haine des humains. En effet, une rupture avec ma pensée d'enfant est la prise de conscience que je n'étais pas humain, allant de pair avec mon dégoût pour cette espèce. Si je me sentais différent, il me semble que j'étais plus optimiste, pensant alors être intégré à cette espèce que je ne concevait probablement pas aussi mauvaise (j'avoue avoir du mal à m'en souvenir : aussi loin que je me souvienne, l'humain n'est pas uniformément positif - projette-je des conceptions actuelles ou avais-je déjà conscience de la complexité des humains qui implique que certains fassent le mal ?). Il est donc normal qu'en me déconnectant de l'espèce humaine, je me sois déconnecté du public dans ma conception de la scène... D'où la difficulté actuelle de me reconnecter avec lui, alors que c'est essentiel. 


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