Bonjour.
Voici cette semaine un texte essentiel qui explicite d'où vient pour moi la beauté de la musique, qui lit la rationalité aux sensations, créant une correspondance entre valeurs sensibles et réflexives... Ce lien quasi-mystique est ce qui donne un sens à l'existence, liant Nature et Univers, d'où l'importance de mener des réflexions sur le sujet.
La
perfection absolue n’existe pas. Comme je l’ai exprimé dans
d’anciens écrits, il est impossible de produire un mouvement
absolument exact, correspondant à la volonté de l’esprit humain
bien trop limité. Il y a trop de variables physiques que nous ne
contrôlons pas. Ainsi, il est impossible d’être parfaitement
précis. Si on pense un mouvement trop précisément, alors il est
impossible de le faire. Finalement, un mouvement précis n’est
qu’une idée de l’esprit, qui n’a pas d’existence réelle. De
manière plus générale, la précision même est absurde, et n’est
qu’un produit de l’esprit. L’idée d’une précision absolue,
correspondant à un objet ponctuel, est absurde. Le monde est
continu, et donc il n’existe aucun singleton, seulement des
intervalles plus ou moins petits. Un mouvement absolument précis est
impossible. Seulement, un mouvement possédant une certaine précision
est possible. Selon la marge d’erreur, un mouvement peut être
désigné comme parfait. Pas dans le sens de ponctuellement parfait,
mais dans le sens de continuellement, en appartenance à un certains
intervalle de précision.
Ce
principe est fondamental dans l’art, et en particulier dans la
Musique. La musique théorique est une conception de l’esprit
humain qui en subit donc les règles. Ainsi, une musique théorique
peut être conceptuellement parfaite. Sur le papier, la musique est
absolue. Cependant, le flou de précision apparaît dans son
interprétation. Le musicien, en l’interprétant, y glisse une
multitude d’imprécisions due à la nature physique du mouvement.
Jamais un musicien ne peut exécuter un mouvement parfait provoquant
l’émission de la note et du rythme parfait. Chaque bribe de
musique a ainsi une délimitation floue. La musique n’est elle
aussi pas ponctuelle, mais continue. Ainsi, chaque interprétation
d’une chanson théoriquement parfaite est enrichie des marges
d’imprécisions des mouvements physiques en jeu.
Bien
sûr, ces marges sont si fines qu’elles sont souvent
imperceptibles. Vues de loin, elles donnent l’illusion de la
perfection de l’interprétation musicale. Mais si on zoom, on se
rend compte que par essence, chaque portion de musique interprétée
est imparfaite. Chaque point est un rond. Ces minuscules variations
entre la perfection théorique et la réalité donne l’essence même
de l’art et de la Musique. C’est dans ces fluctuations
imperceptibles que réside l’âme de l’artiste. C’est dans les
imprécisions non prises en compte par la théorie que se trouve la
magie de la Musique. Le mysticisme de la création artistique se
trouve dans ce que ne peut pas comprendre et théoriser l’esprit
humain, et donc dans ces infimes imperfections que ne peut pas
comprendre l’Homme. Les musiciens, les artistes, qui sont
conscients de la puissance de leur art, le savent : la beauté
et la magie se trouvent dans l’interprétation, entre les lignes
parfaites de la théorie. On peut dire quelle note jouer, mais sa
beauté réside dans la façon dont elle est jouée.
C’est
pour moi une évidence. Malheureusement, ça ne l’est pas pour
tous. L’esprit humain cherche à façonner le monde selon sa
vision, même si cette vision est erronée. Il cherche à atteindre
la perfection théorique de son esprit. Cependant, il ne saisit pas
que cette perfection illusoire est nocive. L’atteindre enlèverait
toute beauté à la Musique. En effet, la beauté et le mysticisme
viennent de variables que l’Homme ne comprend pas et ne théorise
pas. En les supprimant, il supprime l’essence de l’art. Cela est
confirmé par le fait que finalement, l’Homme ne trouve beau que ce
qui suit les lois de la Nature, que ce qui a ce flou de précision.
Certains outils modernes permettent à l’Homme d’approcher voir
d’atteindre cette précision. Mais l’art produit est alors
déshumanisé et froid. Il est théorique, pouvant être qualifié de
parfait mais plus d’art.
Cependant,
je ne prône pas un refus de l’exigence musicale, bien au
contraire. Je suis convaincu que la perfection de la théorie
musicale est bénéfique et un but à atteindre afin de se donner
tout les moyens de s’exprimer à travers l’art. Il faut
constamment travailler afin de progresser et de maîtriser son
instrument ainsi que la théorie musicale générale. Plus on devient
meilleur musicien, plus on peut artistiquement s’exprimer.
Cependant, il ne faut pas chercher à artificiellement atteindre la
perfection théorique. Tant qu’on restera humain, on interprétera
correctement la musique. Pour moi, il faut refuser tout artifice,
toute triche venant d’une machine. Il faut être honnête, sincère
et authentique avec son art. Je pense par exemple qu’un instrument
programmé sera toujours inférieur à un instrument interprété. Il
peut décrire une théorie musicale peut être plus technique, mais
l’art a été vidé de sa substance, car coïncidant alors avec la
perfection froide de l’esprit humain. De même, je pense qu’il
est malhonnête de tricher en corrigeant sur enregistrement ce qu’on
joue par exemple. Il vaut mieux travailler dur jusqu’à avoir une
interprétation parfaite (coïncidant avec les marges de perfection
fixées par la théorie), car c’est seulement là que l’art sera
total. Sinon, on déshumanise la musique, on la rend artificielle et
non artistique. Si tout le monde ne le déteste pas (certains même
aimant cette perfection absurde), cela se perçoit. Tricher avec
l’art est malsain. L’art est exigeant et nécessite de
travailler, mais c’est seulement ainsi qu’il est complet, n’en
déplaise à l’Homme feignant. Le seul moyen préservant l’âme
de l’art d’atteindre une marge de perfection infime est le
travail de l’artiste, et non le recours à un artifice
technologique.
L’art,
et la musique, sont des objets mystiques, qui tirent leur force et
leur magie des zones d’imperfections entourant les ponctualités de
la théorie. Il faut conserver et préserver ces marges d’erreur
imperceptibles dues aux lois de l’interprétation, afin de
préserver l’âme de l’art et de la musique. C’est un combat
idéologique que je mène, et que je mènerais toujours. Il en va de
la préservation de ma raison de vivre : la musique.
Si ce texte est aussi engagé, c'est parce qu'il est issu d'un débat avec certains de mes compagnons de route. A ce jour, aucun argument n'a réussi à me faire changer d'avis, car aucun n'atteint le niveau philosophique que je décris ici. Les opinions que j'exprime ici reposent sur des années de réflexions, et sont issues d'une conceptualisation du monde personnelle et justifiée par des introspections poussées. Pour moi, il s'agit de la vérité, ce qui est d'autant plus renforcé par le fait que cette conception de la musique se base entre autres sur des concepts mathématiques profonds que j'ai étudié à un niveau universitaire.
Qu'en pensez-vous ?
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