mercredi 17 avril 2019

Magie musicale et flou de perfection

Bonjour.

Voici cette semaine un texte essentiel qui explicite d'où vient pour moi la beauté de la musique, qui lit la rationalité aux sensations, créant une correspondance entre valeurs sensibles et réflexives... Ce lien quasi-mystique est ce qui donne un sens à l'existence, liant Nature et Univers, d'où l'importance de mener des réflexions sur le sujet.

La perfection absolue n’existe pas. Comme je l’ai exprimé dans d’anciens écrits, il est impossible de produire un mouvement absolument exact, correspondant à la volonté de l’esprit humain bien trop limité. Il y a trop de variables physiques que nous ne contrôlons pas. Ainsi, il est impossible d’être parfaitement précis. Si on pense un mouvement trop précisément, alors il est impossible de le faire. Finalement, un mouvement précis n’est qu’une idée de l’esprit, qui n’a pas d’existence réelle. De manière plus générale, la précision même est absurde, et n’est qu’un produit de l’esprit. L’idée d’une précision absolue, correspondant à un objet ponctuel, est absurde. Le monde est continu, et donc il n’existe aucun singleton, seulement des intervalles plus ou moins petits. Un mouvement absolument précis est impossible. Seulement, un mouvement possédant une certaine précision est possible. Selon la marge d’erreur, un mouvement peut être désigné comme parfait. Pas dans le sens de ponctuellement parfait, mais dans le sens de continuellement, en appartenance à un certains intervalle de précision.
Ce principe est fondamental dans l’art, et en particulier dans la Musique. La musique théorique est une conception de l’esprit humain qui en subit donc les règles. Ainsi, une musique théorique peut être conceptuellement parfaite. Sur le papier, la musique est absolue. Cependant, le flou de précision apparaît dans son interprétation. Le musicien, en l’interprétant, y glisse une multitude d’imprécisions due à la nature physique du mouvement. Jamais un musicien ne peut exécuter un mouvement parfait provoquant l’émission de la note et du rythme parfait. Chaque bribe de musique a ainsi une délimitation floue. La musique n’est elle aussi pas ponctuelle, mais continue. Ainsi, chaque interprétation d’une chanson théoriquement parfaite est enrichie des marges d’imprécisions des mouvements physiques en jeu.
Bien sûr, ces marges sont si fines qu’elles sont souvent imperceptibles. Vues de loin, elles donnent l’illusion de la perfection de l’interprétation musicale. Mais si on zoom, on se rend compte que par essence, chaque portion de musique interprétée est imparfaite. Chaque point est un rond. Ces minuscules variations entre la perfection théorique et la réalité donne l’essence même de l’art et de la Musique. C’est dans ces fluctuations imperceptibles que réside l’âme de l’artiste. C’est dans les imprécisions non prises en compte par la théorie que se trouve la magie de la Musique. Le mysticisme de la création artistique se trouve dans ce que ne peut pas comprendre et théoriser l’esprit humain, et donc dans ces infimes imperfections que ne peut pas comprendre l’Homme. Les musiciens, les artistes, qui sont conscients de la puissance de leur art, le savent : la beauté et la magie se trouvent dans l’interprétation, entre les lignes parfaites de la théorie. On peut dire quelle note jouer, mais sa beauté réside dans la façon dont elle est jouée.
C’est pour moi une évidence. Malheureusement, ça ne l’est pas pour tous. L’esprit humain cherche à façonner le monde selon sa vision, même si cette vision est erronée. Il cherche à atteindre la perfection théorique de son esprit. Cependant, il ne saisit pas que cette perfection illusoire est nocive. L’atteindre enlèverait toute beauté à la Musique. En effet, la beauté et le mysticisme viennent de variables que l’Homme ne comprend pas et ne théorise pas. En les supprimant, il supprime l’essence de l’art. Cela est confirmé par le fait que finalement, l’Homme ne trouve beau que ce qui suit les lois de la Nature, que ce qui a ce flou de précision. Certains outils modernes permettent à l’Homme d’approcher voir d’atteindre cette précision. Mais l’art produit est alors déshumanisé et froid. Il est théorique, pouvant être qualifié de parfait mais plus d’art.
Cependant, je ne prône pas un refus de l’exigence musicale, bien au contraire. Je suis convaincu que la perfection de la théorie musicale est bénéfique et un but à atteindre afin de se donner tout les moyens de s’exprimer à travers l’art. Il faut constamment travailler afin de progresser et de maîtriser son instrument ainsi que la théorie musicale générale. Plus on devient meilleur musicien, plus on peut artistiquement s’exprimer. Cependant, il ne faut pas chercher à artificiellement atteindre la perfection théorique. Tant qu’on restera humain, on interprétera correctement la musique. Pour moi, il faut refuser tout artifice, toute triche venant d’une machine. Il faut être honnête, sincère et authentique avec son art. Je pense par exemple qu’un instrument programmé sera toujours inférieur à un instrument interprété. Il peut décrire une théorie musicale peut être plus technique, mais l’art a été vidé de sa substance, car coïncidant alors avec la perfection froide de l’esprit humain. De même, je pense qu’il est malhonnête de tricher en corrigeant sur enregistrement ce qu’on joue par exemple. Il vaut mieux travailler dur jusqu’à avoir une interprétation parfaite (coïncidant avec les marges de perfection fixées par la théorie), car c’est seulement là que l’art sera total. Sinon, on déshumanise la musique, on la rend artificielle et non artistique. Si tout le monde ne le déteste pas (certains même aimant cette perfection absurde), cela se perçoit. Tricher avec l’art est malsain. L’art est exigeant et nécessite de travailler, mais c’est seulement ainsi qu’il est complet, n’en déplaise à l’Homme feignant. Le seul moyen préservant l’âme de l’art d’atteindre une marge de perfection infime est le travail de l’artiste, et non le recours à un artifice technologique.
L’art, et la musique, sont des objets mystiques, qui tirent leur force et leur magie des zones d’imperfections entourant les ponctualités de la théorie. Il faut conserver et préserver ces marges d’erreur imperceptibles dues aux lois de l’interprétation, afin de préserver l’âme de l’art et de la musique. C’est un combat idéologique que je mène, et que je mènerais toujours. Il en va de la préservation de ma raison de vivre : la musique.

Si ce texte est aussi engagé, c'est parce qu'il est issu d'un débat avec certains de mes compagnons de route. A ce jour, aucun argument n'a réussi à me faire changer d'avis, car aucun n'atteint le niveau philosophique que je décris ici. Les opinions que j'exprime ici reposent sur des années de réflexions, et sont issues d'une conceptualisation du monde personnelle et justifiée par des introspections poussées. Pour moi, il s'agit de la vérité, ce qui est d'autant plus renforcé par le fait que cette conception de la musique se base entre autres sur des concepts mathématiques profonds que j'ai étudié à un niveau universitaire. 

Qu'en pensez-vous ? 

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